L’écosystème, clé du monde de demain ? #2

Épisode 2 : De "l’entreprise en réseau" à "l’entreprise réseau"

Initiateur de la dynamique collective de la Palmeraie, Laurent RAISON nous partage son expérience singulière et sa stratégie écosystémique pour le développement de ses activités. D’emblée, il annonce : « Travailler en écosystème, je ne sais pas faire autrement ! »

« J’ai grandi avec la conviction qu’à plusieurs on est plus résilient et qu’on est capable de résoudre plus de choses ensemble. »

Laurent RAISON, Président de Raison Home, leader européen de la conception de cuisines et aménagements d’intérieurs à domicile.

Pour lui, Raison Home est une « entreprise réseau » qui profite de la compétence de ses partenaires pour externaliser des activités qui auraient pu être conservées en interne. L’entreprise n’est plus propriétaire des actifs et ressources nécessaires à sa chaîne de valeurs, qui se trouvent désormais pour partie à l’extérieur. A la clé, une croissance à 2 chiffres tous les ans depuis 20 ans…

« Chez Raison Home, nous externalisons les activités pourtant indispensables à notre cœur d’activité : le recrutement est réalisé par la société Me and My BOSS, la formation de nos franchisés par Sens&co, la pose des cuisines par Wipoz, les aspects réglementaires par Immergence, les solutions logicielles et l’informatique par Gestéos et 6TM, etc. Tous nos franchisés fonctionnent de manière indépendante avec des outils en commun, avec en toile de fond un fonctionnement tel un réseau neuronal qui permet une circulation fluide de l’information, de la connaissance et des énergies. » 

Cette vision marque avant tout le passage d’un fonctionnement traditionnel en « top/down » (ou en stock) où l’on contrôle l’information à un fonctionnement en réseau (ou en flux) : l’enjeu principal est alors la libre circulation de la connaissance entre les personnes, sans cloisonnement, sans limite. Une véritable révolution pour le fonctionnement de nos modèles dominants basés sur le modèle centralisé … mais finalement, un juste retour au mode de fonctionnement du cycle de la vie, avec des écosystèmes ouverts qui fonctionnent entre eux et dont les liens d’interdépendance[1] permettent l’adaptation, l’évolution permanente et la résilience pour l’ensemble de l’écosystème.

« De manière concrète, cette approche écosystémique permet de baisser ses coûts, gagner en flexibilité, accéder à des ressources plus variées, profiter d’une expertise de pointe, réduire le risque associé à ses projets et alléger sa structure interne » énumère Laurent.

La Palmeraie - crédit photo : Jeanne Boucher Sens&Co

Il poursuit : « Mais c’est sur le plan humain que cela apporte le plus d’opportunités » 

La différence crée de la valeur
« Nous sommes tous différents à La Palmeraie en termes de profils, de secteurs d’activités, etc. mais cette différence crée de la valeur ! Encore faut-il développer sa capacité à accepter et écouter nos différences ! Et je trouve qu’on y arrive plutôt bien. On s’ouvre davantage, on se met à la place de l’autre, on se challenge, on se remet en question. Au final, ça crée forcément de la valeur et encourage l’open-innovation ! »

Expérimenter ensemble
« ça permet d’expérimenter des projets communs qu’on n’aurait jamais imaginés seul en dehors de l’écosystème… Et il n’y a que dans l’action qu’on peut voir si on peut fonctionner ensemble. »

Des échanges & connexions permanentes
« Des rencontres et des échanges sont animés régulièrement entre les entreprises de La Palmeraie. Au-delà de partager les mêmes bureaux, nous partageons bonnes pratiques et retours d’expériences ! Par rebond, cela stimule l’open innovation et le travail collaboratif sur de nouveaux projets. Cela vient aussi booster la créativité et favoriser significativement des nouvelles opportunités de business entre nous. »

L’apprentissage de pair à pair 
« A la Palmeraie, on échange beaucoup et régulièrement entre dirigeants mais aussi les managers et les fonctions intermédiaires entre elles.  Ce qu’il en ressort, c’est qu’on apprend davantage et mieux entre pairs qu’au contact de son(ses) collaborateur(s) ou de son responsable hiérarchique, c’est une réalité ! Il faut donc selon moi appréhender le pair-à-pair comme une arme de transmission massive de la connaissance pour faire grandir l’autre et aussi faciliter l’adaptation et l’évolution permanente des structures d’un écosystème ! »

La fin des silos au service de la circulation de l’énergie
« L’approche écosystémique pose la transversalité et la subsidiarité comme valeurs cardinales au service de la circulation en continue de l’énergie et de la connaissance. Ainsi, tout le monde est au même niveau et on a moins à se soucier du pilotage global »

Photo by Mitchell Luo on Unsplash

La création de liant entre structures
« Le fait de travailler en écosystème nous invite à créer du lien entre nos structures, à nous faire confiance et à nous engager sans nous y obliger. Cela facilite la mise en place d’un système cohérent centré sur le sens, les valeurs et l’homme, ceci engendrant la confiance, véritable pilier central de l’équilibre de l’écosystème. »

Les limites … ?
Peu avare dans le développement des avantages de l’approche en écosystème, Laurent RAISON prend néanmoins le temps de s’attarder sur quelques écueils à éviter :

Heureusement que le trou n'est pas de notre côté
La coopération n'est pas innée en entreprise !

Maintenir l’ouverture
«Premièrement, ce n’est pas donné à tout le monde d’être en mode coopération plutôt qu’en mode compétition avec ses potentiels concurrents. On a souvent un réflexe de protection et on établit naturellement un rapport de force, ce qui est rédhibitoire.

Ensuite, quand on commence à fonctionner en écosystème, on a tendance à ne fonctionner qu’avec le réseau qu’on connaît alors qu’il faut continuer d’interagir en dehors pour éviter l’entre-soi et maintenir un haut niveau d’interactions.

Loin des yeux loin du cœur !

La proximité physique des acteurs d’un même écosystème, idéalement dans un même lieu, c’est clé. Car quand il y a des dysfonctionnements, c’est plus simple à gérer. Et puis la proximité physique et le partage de lieux communs favorise la porosité entre les entreprises et les personnes. C’est pourquoi la majeure partie des entreprises de notre écosystème se trouvent dans les mêmes locaux, sur le site de La Palmeraie à Vern-sur-seiche. Pour celles qui sont plus loin, nous organisons des rencontres à distance et des moments de partage.

Enfin, si le réseau n’est pas pleinement neuronal, le fonctionnement en écosystème reste fragile. Il est donc nécessaire que chaque nœud/entreprise contribue à créer de la valeur. »

L’entretien arrive à sa fin, c’est le moment pour Laurent de conclure :

« Je dirais que l’approche écosystémique permet au final de faire émerger une organisation souple, flexible, légère et modulaire qui répond aux enjeux de la complexité du monde dans lequel nous évoluons. Et pour la mettre en place, il faut avant tout faire confiance aux personnes… »

…et comme le dit Jean STAUNE[2] :

« Faire confiance à cette énergie incroyable au fond de nous, l’énergie de l’intelligence collective si peu employée dans l’histoire humaine que nous pouvons justement être certains qu’elle recèle un potentiel incroyable »
Jean STAUNE
Essayiste

À la Palmeraie, c’est ce que les « Palmitos » expérimentent au quotidien, petit pas par petit pas…

À bon entendeur !

Le cercle communication Sens&Co coordonné par Time to switch

[1] Au sens de Katherine Symor (analyste transactionnelle américaine) « La personne interdépendante combine ses actions et son énergie avec ceux de l’autre pour obtenir de meilleurs résultats. Elle s’épanouit et se développe dans sa relation avec l’autre. »
En savoir plus : http://blog-fr.coaching-go.com/2013/01/cycle-de-la-dependance-et-acces-a-lautonomi/

[2] STAUNE, Jean. « L’intelligence collective, clé du monde de demain ». Éditions de l’Observatoire