Crise, génération Y, nomadisme grandissant et nouvelles technologies redéfinissent, entre autres éléments, les impératifs managériaux et la notion de performance.
Quand les managers du 19ème siècle pilotent le changement
Le lean management s’affiche comme une approche systémique visant à tendre vers l’excellence opérationnelle : depuis près de deux siècles, elle est reprise par la plupart des entreprises, en admiration devant la réussite de modèles comme celui de Toyota. Problème : les préceptes du lean n’intègrent le caractère humain que sur le long terme, alors que la crise est ressentie avec une telle violence qu’elle impose généralement des logiques de développement à court terme, où les méthodes dérivées du lean management sont totalement dénuées d’une approche humaine.
Les entreprises se sont donc enfermées dans des modèles managériaux purement orientés performance opérationnelle et fonctionnelle, alors qu’elles revendiquent la prise en compte du caractère humain. Une hérésie qui porte tout de même ses fruits sur le plan économique et financier : le lean tel qu’il est appliqué actuellement par la plupart des entreprises (dans une logique court-termiste) apporte des résultats économiques tangibles, souvent à la hauteur des attentes de la gouvernance des entreprises.
Dans une récente interview, Samir Chekaoui, chargé de recherches à l’institut des nouvelles pratiques managériales de la FBS (France Business Scool) insistait sur l’importance de replacer l’émotionnel au cœur du management. Teneur de ses propos, riches d’enseignements.
Aujourd’hui, après plusieurs années de complaisance, ces modèles managériaux inspirés du lean rencontrent toutefois un ennemi de taille : la génération Y. Elle ne saurait être, à elle seule, une composante organisationnelle (pour ne pas dire main-d’œuvre) anti-processus et anti-lean : c’est toutefois par son biais que se manifestent les limites des modèles managériaux (d’antan ou remaniés) du lean.
L’autorité du petit chef est en perdition
Dans une logique de management où tout n’est que processus et analyse de résultats, il est aujourd’hui reconnu par la plupart des entreprises que les salariés finissent par perdre leurs repères.
Présentéisme en augmentation, burn-out récurrents, multiplication des troubles musculo-squelettiques, incertitude sur l’avenir, entre autres facteurs, témoignent de cette perte de repères.
Pourtant, nul n’a encore su remettre en question (en profondeur, en tout cas) les méthodes managériales en place.
Il faut dire que le culte du petit chef tout puissant est bien ancré dans les mentalités, surtout en France où les managers sont peu enclins à partager leur pouvoir. Pourtant, le constat reste le même, en hexagone comme dans les pays anglo-saxons : le management directif a atteint ses limites face à une génération Y qui, en plus d’être revendicatrice par nature, doute désormais de son avenir professionnel du fait de la crise.
L’autorité des managers « petits chefs » est donc bien en perdition et l’heure est à la remise en question. Certes, il n’y a pas un manager qui n’ait déjà réfléchi à l’aspect humain de son style de management, mais hier encore, les bonnes vieilles habitudes tayloriennes étaient bien ancrées à tous les niveaux de l’entreprise.
Difficile, donc, de se débarrasser d’un modèle enraciné en profondeur dans l’ensemble des départements et des sphères hiérarchiques depuis la révolution industrielle.
Quel management pour demain ?
Chacun le sait déjà, le management de demain devra être plus collaboratif et orienté par une logique de coopération ouverte à tous les départements de l’entreprise, et même aux collaborateurs sans aucun pouvoir hiérarchique.
C’est précisément là où le bât blesse : les managers « petits chefs tout puissants », dont l’autorité n’a jamais été discutée ou remise en question, devront accepter le rééquilibrage des pouvoirs de décision pour le bien de l’entreprise. Cette dernière doit en effet replacer l’humain au cœur de son mode de fonctionnement si elle veut gagner en productivité, dans un contexte où l’open innovation, l’intelligence collective et l’émotionnel sont les conditions essentielles de la compétitivité.
Le management de proximité devra donc s’installer dans l’entreprise au prix de l’ego des managers, lesquels perçoivent en effet le besoin de décloisonnement hiérarchique comme un sacrifice de leur autorité. Un sacrifice qui sera d’autant plus difficile à accepter dans des modèles organisationnels qui sont toujours pyramidaux.
Il n’est pourtant pas question de sacrifice de l’autorité, mais de changement de rôle du manager.
Le rôle du manager de proximité
Le manager de proximité travaille en symbiose avec ses subordonnées. Il leur donne certes des ordres, mais il est avant tout un accompagnateur qui doit savoir donner de l’autonomie à ses collègues. A ce titre, il coordonne, oriente et soutient ses subordonnés sur le plan psychologique, en leur fournissant les points de repères dont ils ont besoin et la reconnaissance qu’ils méritent, mais aussi en les impliquant dans les projets de l’entreprise pour donner du sens à leur travail.
Un sacrifice de son autorité n’est donc à l’ordre du jour : il s’agit de mettre en place une meilleure répartition des tâches, qui repose sur l’engagement et l’autonomie des collaborateurs. Dans ce contexte, ces derniers ne sont plus des pions exécutants, mais des acteurs piliers qui restent sous l’autorité du manager. Il faut bien sûr assurer l’éducation des collaborateurs, qui ont eux-mêmes pris l’habitude de travailler de manière isolée, sans disposer d’une vision d’ensemble sur l’entreprise. Or, la dimension de coopération est essentielle.
En conclusion
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